Interview de Gilles Bragard, fondateur du Club des Chefs des Chefs
Portrait
Présentez-vous, votre parcours ?
Mon nom est Gilles Bragard, représentant de la 5ème génération de la famille Bragard.
Je suis né dans l’entreprise familiale lorsque celle-ci était autrefois hébergée dans la maison de mes parents. J’ai donc grandi au milieu des rouleaux de tissus, des catalogues et des vêtements.
Mon diplôme d’école de commerce en poche, c’est tout naturellement que j’ai rejoint l’aventure familiale pour épauler mon père et mes frères en prenant en charge le développement commercial de la société. J’ai créé toute une gamme de vestes de cuisine, dont la veste Grand Chef, conçue à l’époque pour habiller les artisans de la nouvelle cuisine, incarnée notamment par Paul Bocuse. Cette veste de luxe a métamorphosé les codes en vigueur car nous avons fait d’un vêtement de pure protection un habit de lumière.
La diffusion de ces nouvelles lignes de produits conjuguée à l’ouverture ambitieuse de plusieurs filiales en Europe et aux États-Unis nous a propulsé en référence incontournable des vêtements professionnels haut de gamme dans les années 90.
Racontez-nous l’origine du projet du Club des Chefs des Chefs.
Ayant eu l’occasion de côtoyer plusieurs cuisiniers de Chefs d’États durant ma carrière, j’avais remarqué qu’ils ne se connaissaient étonnamment pas entre eux. J’ai donc eu l’idée d’organiser un dîner chez Paul Bocuse le 23 Novembre 1977 en compagnie de 8 d’entre eux, parmi lesquels le chef cuisinier de la Maison Blanche, le chef de l’Élysée et le chef des Rois de Suède. Ce fut un tel succès que nous avons décidé, aussitôt le repas terminé, de créer un club qui serait exclusivement réservé aux cuisiniers des Chefs d’États du monde entier.
Le Roi de Suède fut le premier Chef d’État, en 1980, à recevoir le club. Depuis lors, nous avons été reçus 3 fois à la Maison Blanche par les présidents Reagan, Clinton et Obama, par la reine d’Angleterre à Buckingham Palace ou encore par le président de la République en France.
Le club est aujourd’hui considéré comme le G20 de la gastronomie.
Votre meilleur souvenir lors d’une réunion annuelle du CCC ?
La première fois que j’ai été reçu à la Maison Blanche, dans le Bureau Ovale, par Ronald Reagan. J’avais alors 40 ans.
La rencontre qui vous a particulièrement marqué ?
La réception par la Reine d’Angleterre dans ses appartements privés à Buckingham Palace.
Quels ont été les temps forts de cette édition à Marrakech ?
Il y’a eu tout d’abord cette journée exceptionnelle durant laquelle les chefs, épaulés par les cuisinières marocaines, ont préparé le repas qu’ils ont dégusté le soir même. C’était formidable de voir une brigade internationale si prestigieuse, emmenée par le Chef de La Mamounia Rachid Agouray, œuvrant symphoniquement en cuisine.
Un autre moment fort a été la visite de l’association AMAL, qui forme les femmes en difficulté aux métiers de la cuisine. Elles avaient préparé un couscous pour l’occasion. Les Chefs du Club ont pu échanger avec elles, exprimer leur encouragement et témoigner sur la noblesse de la profession de cuisinier.
Enfin, il y’a eu l’exceptionnel dîner de Gala. La Mamounia, qui a obtenu pendant notre séjour le titre de meilleur hôtel du monde*, a mis les petits plats dans les grands pour recevoir les chefs. Et c’est d’ailleurs la coutume du Club. Quel que soit le lieu retenu, je m’évertue à ce que les chefs soient reçus comme des chefs d’États.Pendant 51 semaines ils sont au service des Grands de ce monde, donc pendant la semaine du CCC, on s’efforce de les recevoir comme le sont leurs patrons.
* « Meilleur Hôtel Urbain au Monde » à la 10ème édition des Traveler Awards
Parlez nous de la fondation AMAL que le CCC soutient.
Une tradition du Club est de choisir chaque année une association du pays hôte pour lui venir en aide. Pour cette édition au Maroc, nous avons décidé de soutenir l’association AMAL* qui forme des femmes en difficulté aux métiers de la cuisine. Les résultats de l’association sont exceptionnels puisque 95% de ces femmes finissent par trouver un emploi.
Dans le même esprit, Christian Garcia, Chef du Prince Albert et Président du Club, se rend tous les ans à Milan pour préparer le repas de l’épiphanie pour les sans-abris de la ville. Le palace Principe di Savoia ouvre ses portes à l’occasion de cette action caritative.
* AMAL signifie Espoir en langue marocaine
Quels sont les futurs projets du Club ?
Cette année le Club se réunira en Corée, à Séoul, pour la première fois.
Je suis convaincu que les coréens vont nous recevoir de la plus belle des façons, d’autant plus que le pays est friand de manifestations gastronomiques pour faire connaître sa cuisine.
L'interview sans filtre
«Je vois la vie en Rose» ou «Je vois la vie en Vosges» ?
Je vois la vie en Vosges 🌲
Si vous étiez artisan, qui seriez vous ?
Pâtissier.
À qui aimeriez vous offrir votre meilleure pâtisserie ?
Ma femme.
Le plus mémorable des plats qu’il vous ait été donné de déguster ?
(Hésite) Impossible d'en ressortir un.
Avec quelle personnalité enfileriez-vous votre tablier Atelier TB pour cuisiner ?
Alain Ducasse.
Inversement, à qui ne prêteriez vous jamais votre tablier ?
Je ne le prêterais à personne.
Le produit qu’aucun pays ne fera, au garnd jamais, mieux que les français ?
La liste serait trop longue.
Une devise en guise de mot de la fin ?
La politique divise les hommes, et la bonne table les réunit.
On se quitte en vidéo avec le résumé de l'édition 2018 du Club des Chefs des Chefs à Marrakech :